Des poils de monsieur tout le monde à ceux du mammouth il n'y a qu'un pas.
Seulement un pas si l'on omet que l'homme, dans son humanité animalière, a toujours eu besoin de l'assise.
Et qu'est-ce que fait un artiste lorsqu'il sait faire des chaises ?
Je sais pas.
Des chaises carrées et poilues peut-être ?
J'en sais rien.
Mais Nicolas, lui, semble vouloir montrer l'envers du dedans d'une architecture mise au dehors.
Où l'investissement d'une vitrine se fait par opposition entre agressivité des textures olfactive et optique, avec les lissages du verre.
Et là, j'ai pas vraiment envie de me poiler.
C'est plutôt terne. et tant mieux.
Car quelque part, c'est un all over contraint derrière une vitrine.
Comme l'agencement d'une figure sur un espace lisse.
Où la matière à elle seule évoque un monstre.
Monstre Géométrique et architecturé.
Monstre tributaire d'un signe.
Monstre culturel donc.
Monstration qui déploie son sens sur trois temps de regard:
-Depuis la rue, de manière frontale.
-Depuis le couloir, comme un instant où la sculpture vous domine.
-Puis enfin, derrière cette sculpture-façade. Où le bâti s'admire comme un soulagement.
Comme le plaisir que l'on tire dans la compréhension de l'artifice.
Nous sommes donc face, dedans, ou derrière une sculpture qui agit entre le châssis, le revêtement, le décor ou le rebouchage.
Où la galerie, admise comme « magasin de trucs à voir », s'intègre à la sculpture pour questionner un peu plus encore la dimension symbolique du couloir, sans jamais s'anéantir dans le domaine du « freak-show »
De la rue à l'espace de l'art, se définit alors une haie de crin qui renverrait peut être au lieu de l'artisanat.
Celui d'une Alice au pays du travail.
Pour qui les espaces sociaux ne se définissent que par effets de matière.
Pour qui le mur des classes n'est qu'une affaire de dénomination et de valeur émises.
Où la dignité, y compris celle des matières, est une question d'échelle.
Derrière les vitrines, étrangement, c'est autant l'obscène que l'exposition.
Ou dans la contrainte du ring aux artistes, il s'expose aussi ce qui se cache.
Ou pas.
Il s'établit alors une curiosité pour tout ce que l'on omet.
Derrière les portes de la grande monstration : le bordel du labeur.
Du travail bien fait mais pour quoi ? Mal fait mais pour qui ? Vite fait mais pour quand ?
La sueur et les larmes se mêlent aux poils pour convoquer un peu plus un art in vivo.
Où le sexe et le travail font corps.
Du poil de monsieur tout le monde aux poils du mammouth il y a donc aussi une chaise.
Une chaise trashée jusqu'à la sculpture.
Un angle chaise…
… Si chaise cubique se peut.
Où le repos est à la verticale.
Où Nicolas Momein montre encore ce que l'on omet :
la gardienne et ses tonnes de livres lus.
Comme extirpation possible du désert qu'il y à voir.
Comme un amour carré qui s'afficherait sur le symbole du grand commerce.
Où l'équitable est un vain mot.
Ou l'équivalence d'une pratique artistique avec une technicité artisanale est bien souvent réduite à ces mêmes questions de noblesses et d'échelles.
Échelles d'un monde de l'art qui repose sur des parois blanches épaisses pour peintures fines. Remparts symboliques d'un espace social clos et consanguin que Nicolas Momein incorpore dans sa propre sculpture- monde. Celle d'une Alice au pays des poilus.
Entre l'établi à Sigmund, le pastis a Marcel et l' coup de pinceau à Jasper Jhons.
Où l'art et l'artisanat oublient leur valeur-signe dans une grand porte ouverte commune.
Et toutes ces distinctions abjectes n'ont plus lieu aux vues d'un processus plus grand encore.
Parce que pour s'asseoir, il faut non seulement de bons accoudoirs visibles et rococo.
Mais il faut aussi du crin animal fraîchement abasourdi…
… Ou des poils de cul.
P.s : Hommage a la gardienne.
Gas Barthely,
Dans La rigueur n'est pas une valeur sûre.
Édition La cibelle, pp 345
Des poils de monsieur tout le monde à ceux du mammouth il n'y a qu'un pas.